QUIZ ARCHI #5

Tiens, une nouvelle société au Belvédère ?

 

 

 

Mais non. Ceux qui regardent avec leurs pieds ont reconnu les plaques en inox qui cachent les pivots encastrés dans la dalle au bas des portes en verre.
C’est un pivot de porte « Sevax » mais on peut voir aussi des « Mustad », parmi d’autres marques presque effacées.Ce pivot à frein hydraulique inférieur assure à la porte vitrée une rotation impeccable jusqu’à l’arrêt à 90°. Aimable attention de ce portier invisible, grâce à une conception aussi audacieuse que minimaliste de nos façades vitrées sans encadrement. 

En 1972, au Belvédère, cette nouvelle ville verticale, il fallait évidemment ces portes presque invisibles, qui s’ouvrent et se ferment élégamment depuis les rues, vers la galerie marchande, vers le bureau de poste (devenu la bibliothèque), les entrées résidentielles, les locaux communs, les bureaux.

La porte Clarit, créée à la fin des années 1950 par le géant du vitrage Saint-Gobain, a donc trouvé place dans nos grandes façades vitrées, conçues par un excellent bureau d’études techniques de l’époque, l’OTH. Elle est restée un symbole de modernité pendant des décennies : solide, transparente, très maniable, la Clarit en verre Sécurit (un verre trempé chauffé à 650° puis refroidi, utilisé d’abord pour la voiture ou le train) a envahi l’habitat, le bureau, le commerce.

 
Le Belvédère fait entrer largement la lumière dans les logements (60% des façades sont vitrées) et dans tous ses halls, largement vitrés sur rue (36 m) et au 1er étage (45 m), en plus des façades commerciales (143 m) et du patio à rez-de-chaussée (75 m).

Depuis 52 ans, 33 des 36 doubles-portes Clarit sont encore intégrées à des façades vitrées (dont 30 dans des vitrages sans cadre) : diverses petites pièces spécifiques tiennent ensemble portes, impostes et pans de verre ; avec des trapèzes de verre perpendiculaires aux impostes, elles assurent stabilité et mobilité à l’ensemble. Elles en garantissent aussi la pérennité, ne réclamant qu’un entretien occasionnel : régler le vissage et changer les joints de liège qui maintiennent le verre dans ces pièces inusables, en laiton, acier ou inox….

Elles remplissent toutes les fonctions : pivot, pince, penture basse avec serrure (très chic mais il faut se baisser…) ou à mi-hauteur (remplaçant alors les poignées de marbre d’origine), séparateur, platine, etc.. Aussi simples et durables qu’ingénieuses, elles sont fabriquées depuis des décennies dans de petites entreprises spécialisées : Sevax (atelier mécanique de Chalon-sur-Saône depuis 1926, racheté par Saint-Gobain en 1972) ou Mustad (fabrique de clous née en Norvège en 1832 qui a créé dans toute l’Europe des ateliers de petites pièces, dont, en 1891, la clouterie Normandie-Mustad à Duclair, rachetée par Ingersoll-Rand en 1997). Loin de la quincaillerie périssable fabriquée au moindre coût, tout un savoir-faire s’est maintenu sur ces superbes petites séries technologiques.

Cet entretien régulier (qui réclame un bon serrurier) a parfois été stoppé. Lors de la tempête de 1990, les vents d’ouest ont soufflé tous les vitrages du rez-de-jardin du bâtiment B, les quatre entrées vitrées et les élégants vitrages sans cadre du poste de sécurité et du bureau de poste (devenu bibliothèque). Dans l’urgence, les 6 portes Clarit ont été reposées (avec leurs poignées de marbre) dans des ensembles vitrés avec cadre aluminium, nettement moins élégants…

 

Les portes Clarit sont toujours en place, parfois adaptées, seules 3 ont disparu. À l’entrée du bâtiment C, peu passante, une double porte à cadre en acier remplace depuis peu et sans problème l’ancienne Clarit. Rue Danjon, les deux portes du hall des ascenseurs (aux extrémités d’une longue façade vitrée) ont aussi été remplacées par des portes à cadre aluminium de moindre qualité, il y a une dizaine d’années. Celle du 19 rue Danjon (fort passage, vent tourbillonnant) est désormais hors service malgré de multiples réparations. La recherche d’une solution pérenne part de cette évidence : il faut garantir la stabilité de la façade souple, que tout élément rigide fragilise.

Adieu Clarit ?
Les discussions récentes sur la porte Danjon ont rappelé l’utilité d’un entretien régulier et montré les capacités d’amélioration du modèle initial. Après la tempête de 1999, l’entrée du 23 rue Danjon, dont l’imposte au-dessus des doubles portes Clarit s’affaissait, a été réparée selon un principe simple et quasiment invisible : deux poteaux en laiton entre les deux double-portes soutiennent les pentures des impostes, dont le fléchissement est une cause fréquente de fermeture provisoire. Ce dispositif pourrait être reproduit sur les principales doubles entrées, sur l’avenue et vers la galerie.

Les 3 accès résidentiels du A sont déjà dotés de bandeaux avec serrure automatique à mi-hauteur. La question de plus en plus sensible du contrôle des entrées pourra évidemment compliquer la recherche de solutions. Entre l’accès très facile des années 1970 et une résidence entièrement sécurisée, Le Belvédère est au milieu du gué. Voilà bien un sujet dont on n’a pas fini de parler… En attendant, aimons et apprécions nos belles portes vitrées !